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Rémunérer les citoyens pour espionner leur vie privée numérique : la nouvelle stratégie des GAFAM ?

Facebook Research est un programme qui a aspiré l’intégralité de l’activité d’adolescents sur leur mobile contre 20$ par mois. Explications.

Révélée par le site TechCrunch début 2019, l’affaire de l’application Facebook Research a fait du bruit, principalement parce qu’elle ciblait les 13-25 ans, et en particulier les adolescents. Facebook assure que les mineurs concernés représentaient moins de 5% des volontaires mais on ne sait pas combien de jeunes ce chiffre représente.

Une application « aspirateur à données »

Approchés sur Snapchat ou Instagram par des publicités discrètes et plus ou moins dissimulées derrière diverses sociétés de beta test, des volontaires ont été invités à participer à une étude rémunérée pour un « outil de recherche », et accepté d’installer et d’activer sur leur mobile un programme totalement intrusif, qui étudie toutes les activités effectuées depuis leur portable : messages privés, photos, vidéos, mails, historique de recherche, données de géolocalisation, historique d’achat etc. en échange d’environ 20 dollars par mois sous forme de cartes cadeau. Pour les ados c’est une manière très facile et apparemment sans risques de se faire de l’argent de poche.

Un « deal » plus ou moins conscient

Même si Facebook dit avoir joué carte sur table en informant les volontaires de la nature de cet « échange » on peut s’interroger sur le niveau de conscience d’un adolescent ou même d’un adulte mal informé, sur la somme d’informations numériques en jeu et la valeur de leur vie privée. Certains volontaires interrogés déclarent avoir déjà fait une croix sur leur vie privée et avoue que « quitte à se faire espionner autant le faire pour de l’argent ».

En réalité, le volume de données collectées est gigantesque et l’enjeu commercial énorme. Les entreprises prêtes à troquer vos données contre des espèces pour les exploiter pullulent : micro-tâches rémunérées en ligne, applications qui suivent vos déplacements contre des tickets de cinéma, Screenwise Meter, l’application de Google au même but que Facebook Research.. tous cherchent plus ou moins discrètement à se faire une place parmi ce modèle économique omniprésent et agressif et il est difficile de saisir les véritables conséquences de ce sacrifice de nos données.

Cette récupération de données numériques est en passe de devenir la norme et rentre peu à peu dans nos habitudes de vie. Les assauts ne sont plus secrets et répétés, nous y devenons insensibles et nous ne pouvons plus nous passer des promos et du confort récupérés en contre-partie. Les responsables politiques échouant à encadrer ces pratiques il revient à chaque citoyen d’être vigilant sur l’espionnage et le modèle économique basé sur la récupération, l’analyse et l’exploitation de nos données personnelles.

Quelles solutions pour ne plus « brader » nos vies privées ?

Selon Facebook, il ne s’agit pas d’espionnage tant que l’utilisateur est averti et rémunéré. Mais en suivant cette logique, et si l’on s’accorde sur le fait que chaque individu est l’unique propriétaire de ses données, alors nous devrions être libres de pouvoir les vendre ou de refuser de les fournir. En ce cas, Facebook devrait rémunérer ses deux milliards d’utilisateurs puisqu’il se sert de toutes les données partagées sur son réseau. La Quadrature du net, association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, va plus loin encore et milite pour que le commerce de nos données devienne totalement illégal. Un internet sans surveillance, sans trackers et sans publicité, et donc la fin de Facebook et plus largement des GAFAM.

► LEXIQUE :

- TechCrunch : site d'information américain spécialisé dans l'actualité des startups Internet techcrunch.com.

- Idéologie Libertarienne : achat de données liées à la vie privée (recueil, analyse et revente de la data) au cœur de l’économie des GAFAM.

- Quadrature du Net : association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet fondée en 2008. Elle intervient dans les débats concernant la liberté d'expression, le droit d'auteur, la régulation du secteur des télécommunications, ou encore le respect de la vie privée sur Internet.

 

SOURCES :
 

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